Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
Aussitôt après avoir nourri la foule, Jésus obligea ses disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l'autre rive, vers Bethsaïde, pendant que lui-même renvoyait la foule.
Quand il les eut congédiés, il s'en alla sur la montagne pour prier.
Le soir venu, la barque était au milieu de la mer et lui, tout seul, à terre.
Voyant qu'ils se débattaient avec les rames, car le vent leur était contraire, il vient à eux vers la fin de la nuit en marchant sur la mer, et il allait les dépasser.
En le voyant marcher sur la mer, les disciples crurent que c'était un fantôme et ils se mirent à pousser des cris, car tous l'avaient vu et ils étaient bouleversés. Mais aussitôt Jésus leur parla : « Confiance ! c'est moi ; n'ayez pas peur ! »
Il monta ensuite avec eux dans la barque et le vent tomba ; et en eux-mêmes ils étaient complètement bouleversés de stupeur, car ils n'avaient pas compris la signification du miracle des pains : leur coeur était aveuglé.
Il y a deux dimensions dans cet Evangile. D'abord, la fin du récit de la multiplication des pains, avec le départ des disciples d'un côté, la foule d'un autre, de Jésus dans la montagne et, enfin, le retour de celui-ci à la fin de la nuit. On pourrait donc sans doute limiter le commentaire à la relation de ces événements.
Mais la déclaration finale de saint Marc, lui qui n'a pas l'habitude d'employer inutilement un seul mot, doit nous pousser à tout reprendre:
"Il n'avaient pas compris la signification du miracle des pains: leur coeur était aveuglé". La signification du miracle des pains, c'est bien sûr la préfiguration de l'Eucharistie. Et du coup, la barque dans laquelle Jésus les a obligés à monter, c'est l'Eglise qui seule détient le pouvoir de renouveler le miracle à destination de toutes les générations. Et puis, tout devient clair: Jésus monté sur la montagne pour prier, c'est son ascension à la droite du Père, où Il intercède pour nous tous. Et son retour, c'est le retour en gloire. Le Seigneur reviendra lorsque l'Eglise se débattra avec ses rames (qui représentent pour moi beaucoup de saints prêtres et laïcs souffrants) afin d'avancer, encore. Le vent contraire, ce sont les arguments du prince de ce monde et de ses séïdes; le fait que les disciples croient que Jésus est un fantôme indique que la figure aura tant été abîmée (dans les livres et les films) par ses ennemis; les expressions "bouleversés, bouleversés de stupeur, et coeurs aveuglés", montrent à quel point nous, les membres de l'Eglise, auront été malmenés au point de ne savoir que penser. Cependant, il suffira d'un mot du Maître pour se faire reconnaître:
"Confiance, c'est moi, n'ayez pas peur !
N'ayez pas peur... c'est bien par ces mots que le pape Jean-Paul II a commencé son pontificat. Et que l'on ne me dise pas que ce Pape, de même que son successeur - qui est son continuateur, ne sont pas dignes du Seigneur !
J'ai rarement commenté un Evangile de cette manière, mais je dois reconnaître que je me suis laissé convaincre par un autre commentaire, celui de l'Evêque saint Hilaire:
Saint Hilaire (v. 315-367), évêque de Poitiers et docteur de l'Église
Commentaire sur l'Evangile de Matthieu, 14, 13-14 (trad. SC 258, p. 27 rev.)
« Il vient à eux vers la fin de la nuit »
« Après cela, il ordonna à ses disciples de monter dans la barque jusqu'à ce qu'il disperse lui-même les foules ; et, la foule dispersée, il monta pour prier et, le soir venu, il était seul » (Mt 14,22-23). Pour donner la raison de ces faits, il faut faire des distinctions de temps. S'il est seul le soir, cela montre sa solitude à l'heure de la Passion, quand la panique a dispersé tout le monde. S'il ordonne à ses disciples de monter dans la barque et de traverser la mer, pendant qu'il renvoie lui-même les foules et, celles-ci une fois renvoyées, s'il monte sur une montagne, c'est qu'il leur ordonne d'être dans l'Eglise et de naviguer par la mer, c'est-à-dire ce monde, jusqu'à ce que, revenant dans son avènement de gloire, il rende le salut à tout le peuple qui sera le reste d'Israël (cf Rm 11,5)...et que ce peuple rende grâce à Dieu son Père et s'établisse dans sa gloire et sa majesté...
« Il vient à eux vers la fin de la nuit, à la quatrième veille. » Dans l'expression « quatrième veille de la nuit » on trouve le nombre correspondant aux marques de sa sollicitude. En effet, la première veille a été celle de la Loi, la seconde celle des prophètes, la troisième celle de son avènement corporel, la quatrième se place à son retour glorieux. Mais il trouvera l'Église déclinante et cernée par l'esprit de l'Antéchrist et toutes les agitations de ce monde ; il viendra au plus fort de l'anxiété et des tourments... Les disciples seront dans l'effroi même à l'avènement du Seigneur, redoutant les images de la réalité déformées par l'Antéchrist et les fictions qui s'insinuent dans le regard. Mais le Seigneur qui est bon leur parlera aussitôt, chassera leur peur et leur dira : « C'est moi », dissipant, par la foi en son avènement, la crainte du naufrage menaçant.