Lundi 1er novembre - Toussaint

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 5,1-12.

Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux !
Heureux serez-vous si l'on vous insulte, si l'on vous persécute et si l'on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux ! C'est ainsi qu'on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.

Réveille toujours très tôt, je me suis retrouvé à la chapelle St-Antoine une heure avant la messe, ayant oublié de régler mon réveil sur l'heure d'hiver (la veille, j'avais bien réglé mon portable, mais pas mon réveil). En outre, je n'avais pas envie d'aller à cette messe. Durant toute la nuit, j'ai songé à ce que m'apporte la foi désormais et je n'ai trouvé qu'un trou béant. C'est moi qui, du fait de mon chagrin, n'ai pas réussi, hier, à me rendre aux funérailles de mon directeur spirituel. Mais à ma place est venue ma sœur aînée, bien à l'aise dans tous les milieux, y compris l'Église - en sa qualité d'athée. Elle y était présente avec ses deux filles, l'une baptisée, et seulement baptisée, l'autre qui a prêté serment à la "laïcité". Non seulement, leur seule présence constituait un obstacle terrible, mais le fait d'être descendues jusque chez nous sans rendre visite à leur mère et grand-mère, m'a d'autant plus marqué. Ce n'est pas la guerre mais ce n'est plus la paix.

Durant la nuit, j'ai clairement senti que "l'autre" m'invite à tout renier, cependant que Jésus se tait...

Je me suis donc levé et sans vérifier l'heure je suis parti à la messe de Toussaint comme un soldat à la bataille. Ce fut une messe fort basse à l'assistance très largement clairsemée, sermon sans aucune allusion aux événements de ce temps, service minimum 40 minutes et collecte pour le chauffage.

Au sujet du chauffage, le prêtre a cru faire un bon mot: "Pour le chauffage, je me suis laissé dire que les billets chauffent mieux que les pièces de monnaie !" Mais à moi, il n'aura eu qu'une petite pièce. Qu'il parle mieux de sa foi de prêtre et il aura des billets, et il fera bon dans sa chapelle en toute occasion !

Et dire que nous avons failli avoir, cette année, un cimetière sans croix ! J'ai découvert cela "par hasard" hier soir. Il existe depuis moins d'un an un projet de loi issu de notre parti socialiste, et qui comprend, notamment: "L'interdiction absolue de signes religieux ou philosophiques dans les "meubles ou immeubles" affectés à un service publics: interdiction des croix dans les cimetières, suppression de l'effigie ou même du passage de Saint-Nicolas dans les écoles et dans les bureaux des services publics, suppression d'une statue religieuse enchâssée dans un bâtiment non classé affecté à un service public, etc.

Oui, bienheureux les persécutés pour la justice !

Après cela, j'ai vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l'Agneau, en vêtements blancs, avec des palmes à la main. (Ap 7, 2-4.9-14)

Cette vision est extraordinaire ... et cependant, chaque année, la messe de la Toussaint est plus courte qu'autrefois et le nombre de fidèles plus réduit. Ce samedi, il fallait se rendre à telle chapelle, à trois kilomètres, et je savais, avant même de me mettre en route, que je m'y sentirais comme écrasé par le ciel de novembre. C'est le Doyen principal qui a prononcé l'homélie et a évoqué le grand renouveau de l'église diocésaine par l'engagement des laïques.... quel rapport ? J'ai tourné la tête et j'ai vu que nous n'étions plus qu'une quinzaine de fidèles, tous ayant dépassé la cinquantaine. Mais lorsqu'on parle pour entendre le son de sa voix, comment remarquer ces choses-là...

Tout doucement, je me suis mis à rêvasser. J'imaginais les absents de la Toussaint, je veux dire : nos chers disparus, qui occupaient en habits de lumière les places laissées vides par les fidèles "de chair et d'os". Ma rêverie m'a transporté dans le passé, le jour des funérailles de ma tante Thérèse qui m'avait légué mon premier chapelet la veille de son départ... Après la messe, je m'étais adressé à plusieurs des membres de l'assistance et j'avais dit: "Vous avez remarqué ? il y avait une chaise libre devant nous, et moi durant toute la messe, je n''ai pas cessé de penser que Thérèse était là, avec nous"... mais les autres m'ont affirmé que non, je me trompais sûrement, car tous les sièges avaient été occupés.

Ce matin, c'est toute une foule de "vêtements blancs" que je me suis représentée et tous brillaient dans l'assemblée. J'ai communié sur cette pensée réconfortante et je suis reparti. Cela ne vaudrait même pas la peine d'être raconté si, dans l'après-midi, je n'avais pas repris ma lecture du Journal de Julien Green. Et dans un de ces cinq volumes que je possède, je n'ai guère qu'à-moitié surpris de lire ce passage, écrit par l'auteur une veille de Toussaint et que j'ai décidé de partager:

"Nous étions assis tous les cinq autour de la table dans la salle à manger. Un feu de bois brûlait dans la cheminée et il faisait si sombre que nous avions dû allumer les lampes, bien qu'il ne fut pas 2 heures de l'après-midi. Nous étions cinq et nous riions, et j'ai senti tout d'un coup que nous étions beaucoup plus nombreux, que notre gaieté avait attiré ceux qui manquent, mon père, ma mère et les deux sœurs que j'ai perdues; ils se sont assis près de nous et nous ont tenu compagnie jusqu'à la fin du repas, riant avec nous tous. J'ai eu un moment de grand bonheur, un sentiment de sécurité profonde, mais je n'ai pas osé en dire un mot." (28 octobre 1935)

Demain, c'est "le jour des morts"... Pourquoi dit-on le jour des morts, si c'est celui des vivants ?

Pour moi pour cette fête, là où suis allée, nos chers amis aurais dû trouver place sur nos genoux ou debout car la salle était pleine, à Notre-Dame du Royaume. Et pour le reste on peut dire que dans la journée, nous pouvions presque palper leur assistance.