Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 14,1-12.
Lorsque arriva l'anniversaire d'Hérode, la fille d'Hérodiade dansa devant tout le monde, et elle plut à Hérode.
Aussi s'engagea-t-il par serment à lui donner tout ce qu'elle demanderait.
Poussée par sa mère, elle dit : « Donne-moi ici, sur un plat, la tête de Jean le Baptiste. »
Le roi fut contrarié, mais à cause de son serment et des convives, il commanda de la lui donner.
Il envoya décapiter Jean dans la prison.
La tête de celui-ci fut apportée sur un plat et donnée à la jeune fille, qui l'apporta à sa mère.
Quelle fin sordide pour Jean, de finir décapité dans un cachot, pour que sa tête soit présentée en cadeau - sur un plat !, à une jeune fille déjà complètement pervertie... Mais je pense à Didier, qu'on a isolé dans un mouroir pour malades mentaux, et qui ne comprend pas ce qui lui arrive. Et je pense encore à mon père, qui mourut entre la chaise sur laquel on l'asseyait pour le petit déjeuner, et le lit où il passait ses journées. Il n'y avait que deux infirmières par chambre et elles n'avaient dix minutes pour changer les lits et nourrir deux vieillards... quant aux "enfants zombies" des pays pauvres...
Ce n'est donc pas la qualité de la mort qui fait le saint - mais très certainement le fait qu'il ait donné sa vie, et l'on peut bien dire que Jean a plusieurs fois donné sa vie, d'abord au désert, ensuite en préparant le peuple à la venue du Messie, enfin en tenant tête à Hérode qui avait épousé la femme de son frère. Dans le film "Jésus de Nazareth", il y a une scène très belle, très forte, au cours de laquelle Jean, en criant plutôt qu'en parlant, déclare à Hérode: "Je ne crains pas les foudres de ton pouvoir terrestre, mais si je ne t'avertis pas maintenant, Dieu me demandera compte de ta vie !" C'est bien la vie qui compte, c'est bien pour la vie de ses frères que Jean a donné la sienne.
Je prie donc le Seigneur de m'aider à bien donner la mienne aussi. A présent, je peux témoigner sans gêne que la meilleure partie de mon existence, jusqu'à ce jour, fut celle où j'eus le plus difficile pour assister mes parents âgés. J'ai été celui qui disait non, puis qui se reprenait et y allait. Les couses, la vaisselle, les papiers, la banque, les explications difficiles, la grimpée des escaliers derrière le père pour le rattraper s'il perdait l'équilibre, etc. Ce fut la plus belle partie de ma vie parce que, m'a dit un jour un Dominicain, "la grâce, c'est cela: accomplir une chose incontestablement bonne, mais qu'on ne saurait accomplir sans son secours."
A présent que j'ai recouvré ma pleine liberté, comme j'ai difficile d'en vivre ! Je peux faire tout ce qui me plaît mais c'est comme s'il y avait des pièges à chaque coin de rue: car le piège, le plus souvent, c'est quand tout est trop facile, simple, lorsqu'il n'y a qu'à laisser aller. Je reconnais ainsi que la loi du Seigneur est juste: ou bien l'on sert son prochain, tant bien que mal, ou bien l'on perd sa vie. "Sois libre et fais ta vie", disent les conseilleurs du monde - sauf qu'il y a toujours un maître à servir et le plus tyrannique est dans le miroir.