Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu (Mt 5, 20-26)
20i Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait : « Je vous le déclare : Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux.
21 Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre, et si quelqu'un commet un meurtre, il en répondra au tribunal.
22 Eh bien moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère en répondra au tribunal. Si quelqu'un insulte son frère, il en répondra au grand conseil. Si quelqu'un maudit son frère, il sera passible de la géhenne de feu.
23 Donc, lorsque tu vas présenter ton offrande sur l'autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi,
24 laisse ton offrande là, devant l'autel, va d'abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande.
25 Accorde-toi vite avec ton adversaire pendant que tu es en chemin avec lui, pour éviter que ton adversaire ne te livre au juge, le juge au garde, et qu'on ne te jette en prison.
26 Amen, je te le dis : tu n'en sortiras pas avant d'avoir payé jusqu'au dernier sou.
Il faut bien avouer qu'en lisant ce passage, on dirait que l'accomplissement de la Loi et des Prophètes (c'était dans l'Evangile d'hier), consiste en réalité à un bouleversement complet ! Mais non ce n'est pas un bouleversement, mais un rafraîchissement : la Loi n'avait pas été donnée à l'homme pour que l'homme en devienne esclave, mais au contraire pour que l'esclave devienne libre, c'est à dire afin que la relation de l'homme avec Dieu retrouve sa pureté originelle, avant l'événement du péché au jardin d'Eden.
Au lieu de cela, durant des siècles, les hommes s'étaient servis de la Loi pour, en quelque sorte, enfermer Dieu dans une formulation humaine. Peut-on leur en vouloir ? Les scribes et les pharisiens du temps de Jésus ressemblent beaucoup aux penseurs du vingtième siècle. Les Freud, Nietzsche, Hegel, Marx et compagnie: leur tort est d'avoir saisi un élément de la vérité pour l'afficher comme vérité complète, unanime, indivisible. Or, la vérité est personnelle et îndividuelle, mais aussi universelle: c'est tellement paradoxal que la rationnalité, "l'esprit des Lumières", ne pouvait l'admettre.
Le dernier verset de l'Evangile, sur ce thème, est vraiment révélateur: "Amen, je te le dis : tu n'en sortiras pas avant d'avoir payé jusqu'au dernier sou." Le Seigneur renvoie tout à l'individu, car ce n'est pas le système qui sera jugé, mais toi. Car tu ne saurais présenter une quelconque offrande à Dieu sans avoir rétabli la paix avec ton frère... puisque ton Père dans les cieux fait tomber la pluie et se lever le soleil sur les justes comme sur les méchants. Comment fonder un système philosophique ou politique sur le simple fait que Dieu est parfaitement équitable envers les uns comme envers les autres ? Oh, certes, l'Evangile est un feu que Dieu est venu jeter sur la terre !