Ce matin, pour la fête de saint Blaise, nous avions un choix de lecture différent, et c'est réellement pour moi que le prêtre a lu ce passage de l'Epître aux Romains: "La détresse elle-même fait notre orgueil, puisque la détresse, nous le savons, produit la persévérance ;
la persévérance produit la valeur éprouvée ; la valeur éprouvée produit l'espérance ;
et l'espérance ne trompe pas, puisque l'amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné." (Rm 5, 3)
C'est tout à fait ce que je vis depuis une quinzaine de jours. On dirait qu'à partir du vingt janvier, une sorte de nuage maussade rempli d'amertume, opaque mais corrosif et réfractaire à l'affection, m'a entouré de toute part. En sorte que, depuis cette date, je n'ai plus rencontré personne. Evoluant dans une nappe de brouillard, vous ne pouvez rencontrer que les gens qui la pénètrent - par hasard, ce hasard qui est le nom commun de la grâce...
Depuis quinze jours, je n'ai croisé que des étrangers, tandis que je me lamentais au sujet de mes proches. C'est ainsi que j'ai vu cette femme sur mon trottoir qui avait bu mais s'efforçait de marcher droit: je l'ai trouvée pathétique, pénible à voir, perdue et cependant déterminée - et moi, pendant ce temps, j'avais de la peine à cause de M. dont je suis sans nouvelle depuis des mois.
C'est ainsi que Manu, l'ancien militaire "protecteur de casques bleus en Bosnie" (un tireur d'élite), est venu, documents à l'appui, me montre comment il avait servi son pays, obtenu plusieurs médailles, pour finalement se retrouver séparé de ses enfants et sur le point de subir une opération - mais tandis qu'il me racontait cela, je priais que mon chemin croise de nouveau celui de V., une copine des années 90, qui habite la même ville, mais je ne sais où exactement.
Dans la détresse, on dirait que rien ne va, mais qu'en Dieu tout continue d'aller sa route. Ce que je désire, je n'arrive pas à l'obtenir, mais je vais rencontrer des états de misère beaucoup plus importants que d'habitude, qui m'obligent à évacuer mes désirs et mes plus chers souvenirs en même temps.
Je n'ai guère dormi la nuit, j'ai eu des problème de pneus, de plomberie, ma vieille mère s'est retrouvée malade et n'a pas obtenu de soins avant que j'intervienne directement, je me suis coincé l'épaule en rentrant mes étalages, j'ai dû déboucher une canalisation, etc. La fête d'anniversaire de L.M. tombe ce samedi, mais je me rends compte aujourd'hui qu'elle m'a invité sans prévenir les siens, de telle façon que je me retrouverai seul encore ce week-end, etc. Mais pendant le même temps que ces événements imprévisibles se déroulent, je vois bien que je parviens chaque fois à donner une réponse appropriée à tel problème qui se pose - je ne suis pas dépassé, je ne suis pas englouti.
En conclusion, c'est tout simple : la détresse a pour compagne la grâce, l'une précède l'autre, ou bien l'une dépasse l'autre, mais il faut garder la foi. Tout ce qui se passe confirme et justifie le mot que j'ai lu dans l'Imitation: "J'interviens deux fois dans la journée de chacun des miens, dit Jésus: une fois pour mettre sa foi à l'épreuve, et l'autre pour sa consolation". Et je ne me plains plus, je dis : Oui, Seigneur, car tu sais ce que je réponds: non pas comme je veux, mais comme Toi, Tu veux !"
Sujet: Détresse et grâce 
