Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 15,1-8.
À l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron.
Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l'enlève ; tout sarment qui donne du fruit, il le nettoie, pour qu'il en donne davantage.
Mais vous, déjà vous voici nets et purifiés grâce à la parole que je vous ai dite :
Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas porter du fruit par lui-même s'il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi.
Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire.
Si quelqu'un ne demeure pas en moi, il est comme un sarment qu'on a jeté dehors, et qui se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent.
Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez, et vous l'obtiendrez.
Ce qui fait la gloire de mon Père, c'est que vous donniez beaucoup de fruit : ainsi, vous serez pour moi des disciples.
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris
Voici l'un de ces passages de l'Évangile de Jean dans lequel le verbe 'demeurer' apparaît le plus souvent. Il s'agit en effet de demeurer en Jésus et ceci pour trois raisons.
La première raison est toute simple: en dehors de lui, nous ne pouvons rien faire.
Rien, même pas le bien ? La question pourrait se discuter longtemps, mais Il se trouve que le Pape Benoit XVI a exploré cette question dans son livre sur 'Jésus de Nazareth'. Et voici ce qu'il en dit:
"La tentation comprend aussi un comportement moral : elle ne nous invite pas directement au mal, ce serait trop grossier. Elle prétend nous montrer ce qui est meilleur : abandonner enfin les illusions et employer efficacement nos forces pour améliorer le monde. Elle se présente aussi avec la prétention du vrai réalisme. Le réel est ce qui se constate : le pouvoir et le pain. En comparaison, les choses de Dieu apparaissent comme irréelles, comme un monde secondaire, dont on n'a pas vraiment besoin.
Or, c'est de Dieu qu'il s'agit : est-il, oui ou non, le réel, la réalité même ? Est-il le Bien, ou devons-nous inventer nous-mêmes ce qui est bien ? La question de Dieu est la question fondamentale, qui nous place à la croisée des chemins de l'existence humaine. Que doit faire ou ne pas faire le Sauveur du monde ? Telle est la question que sous-tendent les tentations de Jésus." (1)
Or, dans l'esprit du texte d'aujourd'hui, le fait de pouvoir faire quelque chose ou ne pouvoir rien faire concerne d'abord le fait de porter du fruit ou non. Et dans ce sens, je suis tout à fait d'accord: hors de Jésus, s'il s'agit de porter du fruit - de susciter des conversions, de dépasser notre ego pour aller véritablement à la rencontre de l'autre, gratuitement et pour son salut, cela ne fait pas partie de notre psychologie, c'est même hors de portée de notre compréhension.
La seconde raison, c'est qu'il se produit un double mouvement si nous demeurons dans le Christ: porter du fruit, mais aussi devenir l'objet de l'amour du Père, qui nous 'émondera' (qui nous sanctifiera) afin que nous portions davantage de fruits. Quiconque se montre capable de peu de choses sera transformé pour en produire de plus grandes. Ce qui rejoint cette autre Parole: "Tout ce qui est abaissé sera élevé".
Cet émondage, je le considère personnellement, comme une libération de l'ego, lequel accumule les blocages : instinctifs, émotionnels, psychologiques, intellectuels et même spirituels. L'Esprit Saint nettoie l'être individuel, convoité par le monde, de tous ces présupposés : il s'agit vraiment d'un 'nettoyage' : d'une purification vers une plus grande authenticité.
La troisième raison, c'est que par l'offrande de nous-mêmes en vue du Royaume, nous pourrons aussi demander et obtenir tout ce que nous voudrons. (Ah, excellent ! Nous pourrons donc demander de gagner la cagnotte du lotto ?) Ce que je crois, c'est que parvenus à une vie authentique dans le Christ, nous ne demanderons jamais de gagner au lotto, puisque nous n'en aurons plus besoin. Je me souviens pourtant de cette anecdote dans la vie de saint Jean Bosco. Il venait d'acquérir un nouvel orphelinat. Des centaines d'enfants y ont été recueillis dès le premier jour. La sœur qui accompagne le saint lui dit : "Il ne nous reste que ce seul billet de banque, cela ne suffira jamais pour tous ces gosses !". Mais Jean Bosco saisit le billet et l'abandonne au vent, tout en répondant qu'il suffit de croire en la Providence. Et le soir même, l'inimaginable se produit: un camion chargé de pains au ras bord, don d'un minotier fortuné, passe la porte de l'établissement ... et exactement à l'heure du repas. Certes, nous pourrons demander ce que nous voudrons et, il est vrai également de dire 'Aime et fais ce que veux', mais tout cela est l'aboutissement de l'œuvre de l'Amour en nous.
Puisse-t-elle nous trouver donc de plus en plus disponibles !
(1) Joseph Ratzinger - Benoît XVI
Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p. 48, §3 - 49, §2