"Celui d'entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple." (Lc 14, 33)
Saint François d'Assise, et combien d'ermites, et les Pères du Désert, ont certainement pris cette Parole de Jésus à la lettre avant de tout quitter pour vivre selon ce que l'Esprit les poussait de vivre. Je l'ai reçue telle quelle à ma conversion, mais n'ayant pas réussi à m'introduire dans une communauté religieuse, j'ai eu durant quelques mois le sentiment d'avoir désobéi à Dieu. Mais ce sentiment n'était pas un bon sentiment, c'était déjà l'Adversaire qui désirait arracher de son cœur la foi toute neuve d'un converti... Méfiez-vous de la tristesse !
En réalité, il est possible, et même essentiel, de renoncer à tout ce qui nous appartient sur le plan de notre vision du monde, de notre regard sur les autres, des ambitions professionnelles, de notre position dans le monde, etc. Ce sont d'ailleurs ces renoncements-là qui, une fois assumés et vécus (ils procurent beaucoup plus de joie, mais aussi de force, qu'on se l'imagine de prime abord) qui peuvent conduire tout naturellement à un mode d'existence très simplifié sur le plan matériel.
Sur un plan très personnel, j'essaie parfois de me souvenir, mais sans succès, comme si tout avait été effacé, de mes 'transes' et de mes souffrances au cours de mes jeunes années, lorsque je tombais amoureux. Déjà à cette époque-là, je m'étonnais que le langage oblige à dire que l'on 'tombe' amoureux: pourquoi l'amour humain représente-t-il, aux yeux de tous et toutes, une chute plutôt qu'une élévation. Pourquoi ne dit-on pas: 'je me suis élevé amoureux', plutôt que 'je suis tombé amoureux' ? Au sujet de l'argent, La question de la nécessité de travailler dur pour survivre s'est estompée peu à peu. Je travaille toujours mais l'argent n'est plus le mobile de mon travail. Je m'applique plutôt dans le sens que tout soit en ordre et en place au moment où je quitte mon magasin, afin de pouvoir me consacrer à tout autre chose. Et même, comme aujourd'hui, je ne saurais bien travailler à mes affaires, si je ne prenais pas chaque matin le temps d'une méditation et d'un partage. Ce moment est devenu essentiel pour passer une 'bonne' journée.
Enfin, une attention volontaire, si possible de tous les instants, à la présence insensible de Dieu et celle, toute sensible, du prochain devraient aller de pair à chaque heure de chaque jour.
C'est bien de renoncer à son ego qui apporte de la force. Il y a un mois encore, je refusais d'avaler 'jusqu'à la lie' l'amertume que me causait la pensée d'être désormais orphelin. Pour que j'y parvienne, il a fallu le décès de mon confesseur. Je me suis rendu compte, d'un seul coup, que l'Abbé Leplat avait joué, dans mon existence, un rôle bien plus important que les personnes de ma famille ont jamais joué. Ces derniers demeureront toujours vivants en moi, mais mon mes sentiments envers eux ont comme été "lavés" et purifiés d'une sorte de 'couche d'empathie' devenue inutile et même encombrante pour ma marche.
Le Seigneur est toujours présent. Mais il semble que nous rêvons souvent notre vie plutôt que de vivre. Béni soit Dieu qui nous éveille !